Venir ou pas venir

La question de se rendre ou pas en Birmanie était légitime pendant très longtemps  dans ce pays   , il reste néanmoins important de ne pas oublier non plus son passé , son ouverture du moment et de ses conséquences.

Pendant l’ouverture du Pays.

Lettre de réflexion, d’interrogation

Sans objet moralisateur ou de justification, nous souhaitons tout simplement  partager quelques sentiments, quelques réflexions sur ce que connaît  le Myanmar aujourd’hui.

Pendant de longues années, le monde occidental a montré du doigt la Birmanie prise sous le joug d’une junte militaire et il y avait de bonnes raisons à cela. Il y a 17 ans, Je me souviens être arrivé dans un pays extraordinairement complexe, juste ouvert aux quelques voyageurs de passage. Pas de voiture dans les rues, pas de téléphone, pas de fax, pas d’électricité, pas de frigo, pas de magasins …rien ou pas grand chose. Mais il y avait des gens,souriants,attachants,sereins, presque naïfs ;l’étranger que j’étais leur apparaissait comme un extra terrestre. Pendant des années les agences de voyages extérieures au Myanmar avaient bien mieux à faire que de s’intéresser à ses pauvres birmans bouddhistes, sympathiques bien sûr, mais subissant le régime du moment . Hors de question de faire venir les touristes avec le risque de se faire attaquer par les associations contre le pouvoir en place, qui se souciait peu de son peuple …auquel justement on devait s’intéresser en priorité.

Ce pays a connu un boycott commercial, bancaire, est passé par une révolution des moines à Yangon fortement réprimée, a subi un énorme Cyclone tuant plus de 170 000 personnes, la Dame de Yangon est restée assignée à résidence pendant près de vingt ans. Le monde a un peu oublié ce qui se passait dans ce pays en ruine.

Nous avons eu dans cette période le soutien de personnes averties, passionnées, ne se laissant pas manipuler par les medias et ayant décidé de venir à la rencontre de ce peuple qui en avait tant besoin.

D’autres ne souhaitaient pas venir du fait des positions qu’avait prises la Dame de Yangon et cela est tout à fait respectable et compréhensible.

D’autres ne savaient même pas que ce pays existait et n’avaient pas de raison de s’en préoccuper.

A cette époque les hôtels étaient presque vides, les hôteliers fort sympathiques attendaient, Bagan survivait, les guides s’en sortaient comme ils pouvaient, les agences survivaient, la Dame de Yangon méditait.

Et puis soudain la Dame a été libérée, le monde occidental des affaires n’avait pas attendu pour mettre en place des stratégies de business, . Elle qui disait de ne pas venir au Myanmar allait annoncer au monde le contraire.

Les agences de voyages occidentales ou pays limitrophes ont vite été convaincues que cette destination devenait intéressante et rentable, se souciant peu de l’évolution du régime, mais proposant de rencontrer un peuple qui avait souffert pendant des années, abandonné par tous du fait des idéologies occidentales.

Et soudain les amis, des amis, d’autres amis qui n’ont pas encore fait la Birmanie sont persuadés que le pays a basculé dans la démocratie et qu’il faut aller vite voir ce peuple birman authentique et préservé, avant que les touristes n’affluent, sans penser qu’ils sont eux même des touristes, nous sommes tous des touristes…..

Et c’est la que tout commence, ce pays où personne ne venait ou peu, devient une destination à la mode. Tout le monde souhaite passer voir la maison de la Dame ( cela fait partie du périple a Yangon ), porter le tee-shirt de la Dame pendant leur voyage, soudain s’intéresser à ces birmans tellement accueillants mais pauvres.

Le Myanmar qui recevait 150 000 touristes y compris quelques hommes d’affaires, doit aujourd’hui accueillir plus de  800 000 touristes sans disposer des infrastructures suffisantes. Les visiteurs s’étonnent qu’il n’y ait pas assez de chambres pour les recevoir, et surtout que « la chambre, avec vue sur le lac, dans l’hôtel qu’avaient connu  leurs amis 5 ans auparavant » ne soit pas disponible !  Les  visiteurs s’exaspèrent de ne pouvoir envoyer  ou recevoir un SMS, que le WIFI de l’hôtel ne soit pas sûr, et surtout que le niveau de prestation délivrée soit si peu professionnel. Les visiteurs ne supportent pas d’avoir à subir un temps de réponse trop long de la part des réceptifs et agences locales. Le personnel de tourisme a lui aussi besoin de s’adapter à ces exigences nouvelles. Il le fait avec la meilleure volonté avec des outils qui peu à peu vont aussi évoluer dans un pays ou les universités se font rares.

Venir au Myanmar n’est pas un voyage ordinaire, cela ne doit pas l’être, pour toutes ces raisons. Si les asiatiques ont tendance à très vite  tourner la page, le voyageur de passage ne doit pas oublier  ce qu’a été ce pays. Nous avons tous à prendre en compte  qu’il faudra du temps pour qu’il s’adapte à cet afflux touristique. Comprenons le, et aidons les birmans comme nous le pouvons pour que cette « ouverture » soit leur chance.

Et espérons le plus de compréhension possible de nos voyageurs dans cette ouverture rapide et complexe.

Herve Flejo